Les Fake News, l’autre pandémie de la crise sanitaire au Maroc

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Par Yasmine Laâbi

Le confinement et la suspension de cours ont fait exploser le nombre de publications en lien avec le coronavirus sur les réseaux sociaux.

Dès l’annonce du premier cas de coronavirus au Maroc, un sentiment de crainte s’est emparé de la population. Ainsi, selon une étude menée par l’agence “Equity”, l’intérêt des Marocains pour le sujet est monté en flèche le 13 mars avec l’annonce de la décision de suspendre les cours en raison de la situation pandémique. A partir de cette date et jusqu’à fin avril,  167.705 publications en lien avec le coronavirus ont été comptabilisées sur Facebook, soit une augmentation de 82% par rapport au mois précédent.

Cette quantité de posts, de commentaires et d’interprétations a rapidement mis en évidence le problème de la diffusion des fakes news, que cela concerne des recettes de guérison, des décisions politiques, de fausses statistiques.

Voici comment ces fakes news se sont propagées et comment elles ont impacté les individus.

En se basant sur l’ensemble des fakes news vérifiées par la plateforme de factcheking “Tahaqaq”, nous avons pu recenser 73 fake news liées au sujet due la Covid-19 dans la période comprise entre les mois de mars et septembre. La courbe suivante montre comment le nombre de fausses nouvelles s’est développé au cours de la période étudiée :

Ainsi, il s’est avéré que la diffusion de fausses nouvelles s’est intensifiée entre les mois de mars et mai, c’est-à-dire au début de la propagation de l’épidémie au Maroc, quand le nombre des cas confirmés a commencé à connaitre une hausse ainsi que celui des décédés.

Les fausses informations ont parfois atteint le nombre de 3 par jour, ce résultat pouvant être expliqué par la nouveauté du sujet, le manque d’informations et par la panique qu’il a suscité, ce qui a pu pousser certains à croire à ces fausses informations et à les diffuser. 

En effet, la plupart des fausses informations qui se sont répandues au cours de cette période concernaient les mesures prises dans le cadre de la gestion de la pandémie, telles que la déclaration de l’état d’urgence, la fermeture des mosquées et la manière de mener à bien ses études. À cet égard, l’analyse approfondie de l’ensemble des fake news sur lesquelles nous avons travaillé es nous a permis de distinguer trois thématiques, à savoir les informations relatives aux décisions politiques, à la situation de la pandémie, ainsi qu’à la maladie de la Covid-19 :

Nous avons également sous-divisé les décisions politiques, qui constituaient 49% des sujets de fake news, en quatre domaines :

Le pourcentage élevé de fakes news ayant concerné le domaine des études montre que les élèves étaient très exposés aux effets négatifs des fausses nouvelles.

Amira, une lycéenne de 17 ans, nous a confirmé que l’expérience des cours à distance était difficile, mais pour elle la principale difficulté a été le grand nombre de rumeurs qui confirmaient l’approbation d’une année blanche. “L’abondance de ces nouvelles a affecté notre état psychique et nous a fait vivre dans une anxiété constante, ce qui a même impacté les résultats des examens”, confie Amira.

Son camarade de classe Ilias, estime lui aussi que cette année scolaire n’était pas évidente à cause de la diffusion de fausses informations, une situation qui a  même affecté leurs parents se faisant du souci pour leurs enfants.

Aya, une autre élève, a également confirmé que les rumeurs liées au report des examens avaient sapé sa motivation et qu’elle se retrouvait perdue dans l’abondance de nouvelles : “Les fausses nouvelles se propagent plus rapidement que les vraies nouvelles, d’autant plus que les fausses décisions politiques se propagent d’une manière qui les rend réelles.”

Les fausses nouvelles semblaient donc réelles, et cela s’explique notamment par leurs formats :

Les images “Fakes” ont été les plus partagées pendant la crise du coronavirus au Maroc. Il peut ainsi suffire d’écrire un communiqué et d’y ajouter le logo d’une institution pour que le message paraisse vrai au yeux de certains. Les décisions politiques représentées par des images retouchées constituaient 67% du total des fake news.

Quant aux textes qui représentent 31,5% des fausses informations, ils variaient entre publications Facebook et messages transférés sur WhatsApp. On constate ainsi que bon nombre de personnes ont partagé des informations diffusées par des utilisateurs qui leurs sont inconnus.

Si la situation pandémique et la maladie de la Covid-19 ont fait l’objet de rumeurs et de fausses informations, il serait judicieux de s’interroger sur le rôle des institutions face à cette pandémie de fake news, tout en se référant au ministère de la Santé, qui est une institution indispensable pour la gestion de la crise sanitaire.

Ce graphique montre l’évolution de la communication numérique du ministère de la Santé, qui s’est focalisée sur différentes plateformes.

On constate que le nombre de publications s’élevait à 9 postes par jour, mais ce qui attire l’attention dans cette communication, c’est son absence sur de longues périodes. Cela a été le cas au mois de mai, qui a pourtant été un mois pendant lequel  on a assisté à une large diffusion de fake news.

Puis en juin et début juillet, la communication du ministère s’est concentrée presque uniquement sur le réseau Instagram. Pourtant, la plateforme la plus utilisée par les Marocains est Facebook, selon plusieurs étude, notamment la plus récente menée par “we are social” en partenariat avec “Hootsuit”.

Le graphique montre ainsi que la propagation de fake news n’a pas pu être freinée par la communication des institutions, notamment celle du ministère de la Santé.

Au Maroc, la propagation des fakes news peut donner lieur à des poursuites judiciaires. En effet, la DGSN a déclaré en mars 2020 avoir arrêté 50 personnes pour diffusion de fakes news liées au coronavirus.

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